MONTLUCON
Le chemin de fer à ficelle

Voir aussi : Le chemin de fer à ficelle (ce qu'il en reste aujourd'hui)

Mon ami Michel A. m'a fait parvenir de superbes documents sur une ligne liée à ses souvenirs d'enfance :

"Jadis, les anciens de Montluçon  évoquaient souvent "le chemin de fer à ficelle" avec ses "petites locomotives en cuivre" dans les souvenirs et l'imagerie populaire. Il subsistait la plate-forme, quelques bâtiments et dépôts, quelques ponts et quelques noms évocateurs : la rue du plan incliné, le pont et l'allée du chemin de fer à ficelle...

J'avoue ne pas m'être beaucoup intéressé à ce chemin de fer, durant le temps où j'aurais pu obtenir des témoignages encore précis. Apparemment, personne n'a encore consacré de site Web à cet audacieux chemin de fer mais il doit subsister des archives dans les mairies de Montluçon et de Commentry ou dans celles de l'ex-société Fourchambault-Commentry.

En fait, il s'agissait d'un chemin de fer industriel qui  transportait du charbon entre Commentry et Montluçon. L
es wagons "Marie" descendaient le charbon des bassins de Commentry pour alimenter les hauts-fourneaux Montluçonnais et les péniches du canal et ils remontaient les bois de mine dans l'autre sens.

Le projet fut établi en 1842, la concession accordée le 16 février 1844 et il fut mis en service en 1846, ce qui en fait l'un des tous premiers chemins de fer en France.

A l'apogée de l'exploitation, les convois se succédaient au rythme d'un dans chaque sens tous les quarts d'heures environ. Les rutilantes locomotives "en cuivre" qui ont laissé tant d'émotion dans le souvenir."
 


 

En la remontant depuis Montluçon, la ligne partait des bords du canal de Berry où des expédition de houille étaient effectuées après transbordement dans des péniches, puis elle passait par les  fonderies de St Jacques qu'elle approvisionnait également.

Un pont pour franchir le Cher et elle atteignait les "Hauts Fourneaux" de Montluçon  dont les gros besoins en énergie furent à l'origine de l'étude et de la réalisation de ce Chemin de Fer.


Le pont sur le Cher d'après une aquarelle de 1845 de  L.GROSSET (Collection du Musée)
 

Ce pont était construit sur palées et charpente en bois. Il reliait l'usine des hauts fourneaux à l'usine Saint-Jacques et au canal. Il fut emporté par une crue du Cher le 2 juin 1855 et remplacé par un pont métallique appelé le "Pont Noir".

Ensuite, elle attaquait un premier plan incliné que l'on voit sur la photo ci-dessus (à gauche ; celui, plus à droite, était intérieur à l'usine). Une machine à vapeur mouvait les wagons depuis le sommet au moyen de câbles. Ce plan incliné, long de 243 mètres, qui franchissait une dénivellation de 40 mètres, passait sous la "route de Paris" (le pont visible sur l'image) et atteignait la "route de Moulins" franchie par un passage à niveau. Là, les wagonnets étaient pris en charge par des locomotives pour un parcours plat de près de 2 kilomètres, franchissaient un pont aujourd'hui disparu, puis un viaduc sur la vallée du Diénat.

Le premier plan incliné dit "de Chateauvieux" : Le câble se terminait par ce wagonnet dit "de traction" auquel les wagons étaient accrochés :

Le viaduc du Diénat et le plan incliné de Marignon : C'est une copie d'une litho faite au temps où les convois de charbons étaient encore tirés par des chevaux (sauf sur le plan incliné). Le viaduc du Diénat, constitué de charpentes en bois prenant appui sur 20 piles de maçonnerie était directement suivi du plan incliné de Marignon. Les installations de la machine à vapeur sont à peine visible sur le plateau.

Ici,  le viaduc du Diénat a disparu dans la vallée comblée.

Ci-dessous, deux vues du remblai du Diénat.

Remblai du Diénat en 1913, à droite de la photo.

Remblai du Diénat en 1913

Après le Diénat, la ligne abordait la côte de Marignon par un second plan incliné impressionnant plus important que le premier. D'une longueur de 806 mètres, il permettait de de franchir un dénivelé de 135 mètres. Au sommet de Marignon, les wagons étaient repris en charge par des locomotives, jusqu'aux houillères de Commentry. Des installations intermédiaires desservaient  d'autres puits d'exploitation :"les Ferrières",  "Les Thuelles", "le Puits Neuf"...

Voici une image, d'après une lithographie de Tudot, montrant en haut de Marignon, la tour d'observation d'où étaient commandées et surveillées les manoeuvres du treuil avec, à  sa droite le bâtiment abritant la machinerie.

Enfin, l'une des locomotives photographiée alors qu'elle était déjà à la retraite en 1921, l'année correspond à la diminution d'activité de la ligne due à l'épuisement progressif des gisements et la concurrence de la ligne PO Montluçon-Moulins tracée à double voie jusqu'à Commentry :

Voici une autre image d'époque : un train du PO en provenance de Commentry (de Moulins ou de Clermont-Ferrand) longe la vallée du Diénat et arrive bientôt à Montluçon que l'on aperçoit à l'arrière plan. Après la courbe vers la gauche où  il va bientôt s'engager, il passera sous la voie du chemin de fer à ficelle dont la plate-forme barre l'image à l'emplacement de l'ancien viaduc sur les dépôts de cendres et de résidus de fonderies.

A gauche, caché par le dos de la colline, le plan incliné de Marignon. A droite, après le passage en tranchée  et une courbe prononcée à gauche,  la voie se dirige vers Montluçon et la descente du premier plan incliné. On devine la présence de nombreux wagonnets et d'au moins deux  panaches de fumée qui indiquent (à défaut de plus de détails) la situation des locomotives. Les wagonnets étaient utilisés également pour transporter les cendres jusqu'ici.


Il s'agit d'une carte postale en ma possession de J. Chaumont qui était éditeur à Montluçon.

Le viaduc de Montassiégé :

Plus tard, en 1878, la ligne fut prolongée jusqu'à Montvicq avec passage sur un viaduc près de Chambouly (pour mémoire : la ligne du PO de Montluçon à Moulins qui desservait la gare de Doyet-la-Presle, très proche du gisement de Montvicq, était déjà réalisée depuis 1859).


Le plan incliné de Marignon cessa officiellement toute activité en 1925 et tout trafic au-delà, vers Commentry fut arrêté. La portion de voie  restante ne fut plus utilisée alors que pour le transport des cendres et des résidus de fonderie depuis les usines jusqu'au Diénat. Cette maigre activité prit fin en 1940.

Triste fin pour ce glorieux petit chemin de fer qui a terminé sa carrière en évacuant des cendres sur une courte portion de son tracé. Il est certain que, pour ceux qui le voyaient passer durant ses dernières années, il avait perdu tout prestige avec ses wagons "Marie" débordant de poussière et de scories qui ne faisaient plus le plein de houille pour le retour.

Plan ancien de Montluçon : On distingue le parcours de ce chemin de fer depuis le pont de la route de Paris jusqu'au Canal de Berry. Mais on ne peut toutefois sur cette carte, faire la différence entre les embranchements à l'écartement standard du PO et la voie du chemin de fer à ficelle. On distingue aussi l'emplacement du Pont des Usines (détruit de nos jours).


 

Récapitulatif de l'historique

    *
La voie était, et tous les documents sont unanimes, métrique.

    * le projet a été établi en 1842, la concession accordée le 16 février 1844  et il fut mis en service en 1846.
       
    * le plan incliné de Marignon franchit 135 mètres de dénivellation avec une pente de 16,5%, celui de Chateauvieux, 40 mètres avec une pente de 12%. Chacune des deux machines à vapeur fixes des treuils étaient commandées d'une tour  d'observation en haut du plan incliné. La différence de niveau entre Marignon et Commentry atteignait à peine 10 mètres pour 11 kilomètres de parcours.
       
    * les wagonnets contenaient 5 m3 et pesaient 850 kg à vide. En 1850, il y en avait plus de 400. Durant l'exploitation par des chevaux, un animal tirait couramment 3 wagonnets de houille ou 6 de coke.
       
    * les locomotives 020 de 5 tonnes ont remplacé les chevaux à partir de 1854, puis ont cédé la place, à partir de 1867, aux locomotives 030 de 15 tonnes construites à Commentry.
       
    * en 1855, le pont de bois primitif sur le Cher est remplacé par un pont de fer à 3 travées métalliques et deux piles intermédiaires. La même année, on construit au Diénat 2 tunnels pour le passage du ruisseau (l'Amaron) et de la route de façon à remplacer le viaduc instable par un important remblai ce qui a permis l'utilisation des cendres et laitiers de fonderies.
       
    * le prolongement à voie unique de la ligne de Commentry à Montvicq fut réalisé en 1878. Un viaduc à 2 piles et tablier métallique fut construit pour franchir la vallée de la rivière l'Oeil. Actuellement, seules subsistent les culées et deux piles en maçonnerie de 20 mètres de hauteur.
       
    * l'activité du treuil du plan incliné de Marignon cessa en 1925. Il faut ajouter que, depuis plusieurs années, la ligne n'avait plus qu'une activité réduite : tant les usines de Montluçon que la mine de Commentry disposaient d'un embranchement avec le PO. En plus le charbon de Commentry s'épuisait ou son exploitation n'était plus rentable avec les moyens de l'époque (belle carrière quand même!). Le chemin de fer ne fut plus utilisé ensuite que pour acheminer les cendres au Diénat et ce, jusqu'en 1940
       
    * En 1882, la mine de Commentry fournissait 451 000 tonnes de houille et l'exploitation culmina à près de 600000 tonnes par la suite, avant de décliner progressivement, celle de Montvicq 120 000. L'ensemble du bassin représentait le million de tonnes au pic de son exploitation.
 

Dernière mise à jour : 07/01/2023

Le chemin de fer à ficelle (ce qu'il en reste aujourd'hui)